Atelier : "Sentiment d’appartenance"

Timisoara, 16/05/2019


Atelier: « Bonnes Pratiques »
Atelier: « Indicateurs d'évaluation »

Atelier: « Bonnes Pratiques »

Les participants à l'atelier présentent une série de bonnes pratiques qui devraient favoriser une identité et un sentiment d'appartenance européens au sein des régions transfrontalières. Ces bonnes pratiques ont souvent une dimension touristique et populaire (par exemple, le festival de rue autour de la gastronomie traditionnelle entre Oradea et Debrecen). Certains projets ciblent les jeunes et les personnes défavorisées. Le travail avec les jeunes est intéressant, mais il suppose la disponibilité de superviseurs (enseignants...) qui n'ont pas les mêmes contraintes de part et d'autre de la frontière (vacances, périodes d'examens, horaires différents...). Il y a toujours un besoin de bénévoles. Le financement Interreg est souvent mentionné comme source de financement des bonnes pratiques culturelles au-delà des frontières étatiques.

Il n'est pas toujours évident d'évaluer l'impact des projets culturels sur l'identité et le sentiment d'appartenance européens dans les espaces transfrontaliers. Des indicateurs doivent encore être développés pour évaluer l'impact des Capitales Européennes de la Culture (CEC) transfrontalières. Il est important de partir de l'espace transfrontalier (qui y vit, ce qui se passe, ce que signifie l'Europe dans ces régions, travailleurs transfrontaliers, langue commune...). Le risque existe également que l'énergie transfrontalière disparaisse (plus de financement, plus de coordination...) lorsque le programme culturel de la CEC sera terminé. Le développement d'une identité et d'un sentiment d'appartenance européens dans les zones transfrontalières par le biais d'activités culturelles nécessite des politiques de longue haleine. Par ailleurs, l'enjeu principal des CEC transfrontalières n'est pas de promouvoir un programme culturel pour les Européens locaux, mais de mieux connaître les Européens locaux et de connaître leurs attentes en matière de programme culturel. L'inclusion des Européens dans les CEC peut, par exemple, commencer par un référendum/sondage pour savoir si les habitants locaux veulent que leur ville soit une ville candidate (par exemple, Zittau en Allemagne, Novi Sad en Serbie).

Les "mauvaises pratiques", c'est-à-dire les actions qui n'ont pas été couronnées de succès, peuvent être courantes dans les CEC. Le référendum sur une candidature CEC et d'autres types de démocratie participative peuvent être de bonnes idées comme à Zittau et Novi Sad, mais cela peut s’avérer risquer à d'autres endroits (par exemple, vote potentiel contre la candidature ou abstention élevée). Il est difficile d'impliquer la population locale dans une CEC. Il peut y avoir un manque de temps pour expliquer en quoi consiste le projet. Les Européens locaux peuvent penser que la culture n'est pas importante pour leurs territoires, surtout quand il y a une crise économique. Certaines "mauvaises pratiques" sont liées à l'écart qui peut exister entre les intérêts culturels des populations et ce qui est proposé. Ce type de "mauvaises pratiques" signifie que deux questions doivent être abordées : l'adaptation des contenus aux habitudes culturelles des habitants de la ville et la définition d'une éducation culturelle européenne avant la mise en œuvre de la CEC. Les médias sociaux peuvent être utilisés pour mieux comprendre ces deux questions et pour déterminer également comment la démocratie participative peut être améliorée.

La participation des habitants locaux peut être envisagée avec l'initiative "ambassadeur" qui implique que les gens assurent bénévolement la promotion de leur ville lors de la CEC (par exemple à Lille en 2004 avec 10 000 ambassadeurs). Les enfants peuvent être d'excellents ambassadeurs (par exemple à Mons pendant l'exposition Van Gogh). La participation des habitants peut également être attendue par la mise en place de projets impliquant des artistes amateurs locaux.

La communication autour de la CEC pour favoriser une identité et un sentiment d'appartenance européens au sein des régions transfrontalières suppose des politiques stratégiques au plus haut niveau, mais aussi une implication sur le terrain des ambassadeurs, volontaires et amateurs sans parler de l'utilisation des mass media. Les responsables des lieux culturels (théâtres...) organisent également leur promotion. Ces acteurs de niveau intermédiaire sont importants car ils développent une promotion des activités culturelles sur le long terme avant et après les événements annuels liés à la CEC. Un plan de communication transfrontalier peut être difficile à mettre en place car le secteur culturel des régions voisines est potentiellement considéré comme un concurrent. La communication est un volet du programme du CEC qui peut présenter de nombreuses "mauvaises pratiques" dont il faut tirer des leçons. La communication culturelle transfrontalière peut être basée sur des interactions personnelles et non sur des liens institutionnels forts. Par conséquent, elle peut être efficace, mais également incertaine lorsqu'il y a un changement de personnes.

Les médias de masse élaborent leurs propres stratégies lorsqu'ils présentent la CEC. Ils peuvent être indifférents à ce qui se passe au début et soudainement être positifs lorsque l'agenda culturel a enfin pu s'imposer dans la sphère publique et médiatique (comme pour Lille 2004). Cependant, les médias peuvent aussi insister sur l'image négative de la ville, qui est devenue une CEC. Les médias ne peuvent pas être considérés comme des acteurs du marketing territorial chargé de promouvoir les CEC. Il s'agit d'institutions qui élaborent un programme d'information urbaine plus vaste dans lequel la culture est une dimension liée aux autres. Toutefois, il est très important de les informer dès le début de l'initiative CEC afin de mieux s’assurer de leurs intérêts pour cette initiative européenne.

Les bonnes et les mauvaises pratiques en matière de communication sont également liées aux services de transport. Les services publics de transport peuvent être de bonnes initiatives pour encourager la mobilité des Européens dans les zones transfrontalières. Cependant, l'existence de ces services ne signifie pas que le public traversera réellement la frontière. Elle peut encourager les personnes qui traversent déjà la frontière par leurs propres moyens à intensifier leurs pratiques, mais elle n'a pas nécessairement un impact sur les personnes qui ne traversent pas la frontière pour des pratiques culturelles. Par ailleurs, il peut y avoir un public transfrontalier pour un genre culturel spécifique (par exemple, la communauté des personnes intéressées par la musique « heavy metal » développe une pratique de mobilité qui n'est pas limitée par les frontières nationales). Le manque de mobilité transfrontalière peut être associé à une promotion insuffisante des manifestations organisées dans les pays voisins. Cela peut aussi être dû à l'incapacité de certaines expositions ou de certains arts de la scène à drainer les gens hors de leur communauté nationale/régionale en raison de frontières mentales.


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Atelier: « Indicateurs d'évaluation »

Mieux connaître et mesurer l’identité européenne et le sentiment d’appartenance au sein des espaces transfrontaliers suppose de s’entendre sur le sens donné à ces deux notions. Il y a plusieurs définitions possibles, souvent empreintes d’idées relatives à la culture, aux nationalités, au lieu de naissance, aux langues maitrisées. A cela s’ajoute une complexité supplémentaire liée aux échelles spatiales : l’identité européenne et l’identité d’un espace transfrontalier ne sont pas nécessairement perçues comme étant la même chose. Idem avec le sentiment d’appartenance, on peut se sentir attaché à un espace transfrontalier sans forcément l’être pour l’Europe. Par ailleurs, il est à noter qu’à l’échelle transfrontalière, il peut être délicat de parler d’identité commune, surtout dans des régions qui ont connu des conflits parfois nombreux et violents avec leurs voisins. En outre, les méta-appartenances ou les identités globales peuvent évoluer plus rapidement que les sentiments d’appartenance et les identités locales ou régionales qui sont plus profondes, enracinées, et donc moins soumises aux modes, aux tendances. Quoi qu’il en soit, ces deux notions relèvent d’une estimation personnelle et subjective, qui peuvent être plurielles et s’articuler les unes aux autres.

Peut-on définir des indicateurs pour apprécier l’identité européenne et le sentiment d’appartenance au sein des espaces transfrontaliers ? Il s’agit d’un exercice difficile. Différents points de vue coexistent : 1) Pour certaines personnes, l’identité et le sentiment d’appartenance sont hors d’atteinte des enquêtes et peu quantifiables. On ne peut avoir accès qu’à des discours et des représentations et l’enquêteur est coproducteur de ces discours. 2) D’autres invitent à repenser l’identité et le sentiment d’appartenance en les sortant du carcan de la nation et du territoire. Les identités sont a-territoriales ou déterritorialisées. 3) D’autres encore mettent en avant des critères observables et les plus possibles « objectivables » pour mesurer le sentiment d’attachement à un territoire (et par extension, potentiellement déclencher un sentiment d’appartenance). Dans ce cadre, plusieurs dimensions le caractérisent : cognitive (je connais bien mon territoire / je le parcours souvent / j’y ai certaines pratiques socio-spatiales) ; affective (je me sens vraiment chez moi dans ma région / je suis très attaché(e) à ma région / je me sentirais déraciné(e) si je devais partir loin de ma région / quand je m'absente de ma région, je suis heureux(se) d'y revenir) ; conative (je fais des projets transrégionaux / je me sens très solidaire de ma région et de la communauté / c’est important pour moi d'aider ma région à se développer) ; sociale (quelles relations ai-je habituellement avec les habitants de ce territoire ? quelles relations ai-je eu pendant le déroulé de la capitale européenne de la culture ?) et spatio-temporelle (depuis combien de temps est-ce que je parcours ce territoire ? comment ? avec quels trajets et à quelles fréquences ?).

Définir des indicateurs supposent de s’interroger sur les objectifs relatifs à l’identité et au sentiment d’appartenance européens et signalés dans le cadre de l’initiative Capitales européennes de la Culture. Quatre principaux acteurs peuvent être identifiés dans la définition de ces objectifs : la Commission européenne, les autorités territoriales dont la ville porteuse du projet de Capitale européenne de la Culture, les opérateurs culturels et les habitants. A travers ses différentes réglementations, la Commission européenne a listé une série d’objectifs qui restent néanmoins généraux. De plus, certaines personnes estiment que peu d’accompagnement et de moyens financiers sont mis à la disposition des villes pour les atteindre. Au niveau local, les objectifs ne sont pas toujours très bien spécifiés. Ils visent bien souvent à promouvoir le territoire ; la culture étant utilisée comme un moyen pour renforcer l’attractivité économique et guider le développement urbain. Il est donc fondamental et indispensable de définir avec les partenaires engagés des objectifs précis en lien avec les intentions de la réglementation européenne. En outre, réfléchir à des indicateurs concernant l’identité et le sentiment d’appartenance européens peut être un outil pour discuter dans un premier temps des desseins et des visées d’un projet de Capitale européenne de la Culture, et dans un second temps pour mettre en œuvre une méthodologie de travail afin d’y répondre.

Mesurer l’identité et le sentiment d’appartenance invite également à réfléchir à l’utilité d’une évaluation. C’est un procédé par lequel on vise à établir si oui ou non, un projet a atteint les objectifs qui avaient été fixés au préalable, de quelles manières et avec quels moyens ils ont été réalisés. Par exemple, dans le cadre des Capitales européennes de la Culture, pour répondre à l’objectif européen de « renforcer le sentiment d’appartenance des citoyens européens à un espace culturel commun », l’idée est d’identifier des indicateurs qui permettent de montrer que la culture contribue à une intégration fonctionnelle transfrontalière (à travers des mesures de la mobilité transfrontalière) ainsi qu’à un rapprochement entre Européens de part et d’autre de la frontière (à travers des mesures sur les valeurs partagées, les expériences communes, les co-productions et projets transfrontaliers réalisés, la maîtrise des langues, les interactions sociales).

En termes de méthodologie, il importe de réaliser une étude diachronique, avant et après la programmation portée par les Capitales européennes de la Culture, et dans le meilleur des cas sur un échantillon de personnes identiques. La collecte de l’information peut être envisagée à travers des entretiens ou des questionnaires. L’usage de cartes mentales constitue également un outil pertinent pour traiter du sentiment d’appartenance. Mettre en lien les informations collectées avec des données sociodémographiques et les pratiques culturelles des personnes est un bon moyen d’affiner les résultats. Il est important de travailler sur l’ensemble des habitants du ou des territoires concernés (publics, non-publics, publics empêchés, opérateurs culturels, décideurs politiques qui sont assez éloignée de la réalité de ce que font les acteurs culturels) afin de connaître leurs perceptions, représentations et pratiques socio-spatiales avant et après l’évènement Capitale européenne de la Culture.


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